Ce récit est la suite des Chroniques du Square. Si tu arrives ici pour la première fois, commences plutôt par ici:
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Cela fait plusieurs mois maintenant que
j’ai quitté René au pied de la grande montagne fer. Je ressens toujours cette
boule dans ma poitrine quand je repense à lui et à toutes ces mésaventures qui
nous sont arrivées. Souvent, je m’assois sur un banc dans un coin du square où
personne ne passe et je contemple le talisman qu’il m’avait offert. Plus d’une
fois des gouttes ont roulé sur ma joue. Étrange cette sensation humide qui
trouble la vue, rougit les yeux et me serre la gorge. Je m’empresse à chaque
fois de les essuyer avant qu’un joueur du square ne les voie. C’est que les
personnages de ce côté-ci du monde ne pleurent jamais. Ils rient, ils ragent,
ils râlent, mais ne connaissent ni la tristesse, ni la souffrance, ni la peine.
C’est une faculté que j’ai gardé du monde du dehors et je ne saurai dire
vraiment si c’est une bonne ou une mauvaise chose. Quand ce sentiment vous
prend, tout le reste passe au second plan. Le présent se mêle au passé et la
confusion vous immerge. Paralysée dans le néant, je ne peux que subir cet état,
me laissant porter dans cet océan doux-amer. La douleur de me sentir à tout
jamais loin d’un être cher vient alors en écho au plaisir de l’illusion d’être
à ses côtés par la pensée. Une fois passés ces moments de nostalgie mélancolique
et que la routine reprend ses droits, on n’est plus tout à fait la même,
quelque chose semble s’être affirmé en vous. Comme si la douleur du début, en
roulant le long de la joue, venait s’y déposer en part infime, la rendant ainsi
à chaque fois un peu moins intense et plus familière.
Les
jours se suivaient et se ressemblaient. L’excitation des tournois-guilde et les
parties avec mes amis les plus fidèles ne soulageaient qu’un temps ce pénible sentiment
qui vous dépeuple tout un square par le simple fait qu’un seul être vous manque.
L’autre
soir, alors que je venais enfin de réaliser mon premier HIO, j’étais excitée
comme jamais. Depuis des mois j’attendais ça, croyant que cet instant
n’arriverait jamais. J’eus à ce même instant le souvenir de ce qui était advenu
au musée de cire quelques mois plus tôt et, naturellement, me revint à l’esprit
Mr Jackson, Line et René à qui je dédiais en silence cet exploit. Un moment
après, une fois l’effervescence retombée et que j’étais sur le point de me
retirer du square, je reçu un courrier bien curieux. Je dus le relire à
plusieurs reprises pour bien comprendre de quoi il s’agissait, de vérifier que
ce n’était pas l’objet d’un canular ou d’une blague d’un canasson taquin. Tout
semblait indiquer que ce message était bien authentique même si je ne savais
pas comment il avait pu parvenir jusque dans ma messagerie. Qu’auriez-vous
pensé si, à ma place, vous aviez reçu le billet suivant :
Ma très chère Balie,
Depuis que nous ne
nous sommes point vus, mes pensées vont souvent vers toi. J’espère imaginer que
tout va pour le mieux pour toi et tes amis. Pour Line et moi, il n’en est pas
de même. Les choses ici ne vont pas comme elles le devraient. J’aurais voulu ne
pas devoir te demander quoi que ce soit qui pourrait te porter préjudice, mais
je suis maintenant contraint de me rendre à l’évidence que toi seule peut nous
venir en aide. Je ne peux t’expliquer ici le détail de mes tourments, mais si
tu le veux, tu as la possibilité de venir vers moi grâce au talisman que je
t’ai offert. Le mage particulier du Roi m’a assuré que ton passage parmi nous
serait sans danger, il te suffit que tu le portes sur toi et que tu y penses
très fort lors du voyage.
Je suis à la fois
impatient de te revoir et contrarié que ce soit dans un moment difficile pour
le royaume. Toutefois, je comprendrai si pour quelque raison que ce soit, tu ne
veuilles prendre le risque de quitter ton monde et tes amis, je ne t’en
tiendrai pas grief. Sache que tu restes à jamais dans mon cœur et que je te
suis pour toujours redevable de l’aide que tu m’as apportée pour retrouver
Line.
Affectueusement.
René.
P.-S. :
félicitations pour ton trou-en-un ! J’ai ressenti très fort ta joie, comme
si j’y étais…
J’ai
longtemps douté du sérieux de ce message, car il me semblait impossible que
René puisse avoir les moyens nécessaires dans son monde pour envoyer des
courriers électroniques. D’un autre côté, fallait-il vraiment que je m’arrête à
ce détail, compte tenu de l’invraisemblance de tout ce qui m’était déjà arrivé
de l’autre côté de notre univers ? Et puis, René semblait être assisté
d’un mage ; ne sont-ils pas les mieux placés pour savoir comment
communiquer avec des esprits lointains ? De toute façon, même s’il devait persister
une forte probabilité pour que ce message soit un leurre, j’étais prête à
traverser de nouveau la métagalaxie s’il le fallait, pour tenter la chance de me
retrouver ne serait-ce qu’un instant auprès de René. La difficulté qui demeurait
maintenant était de prévoir quand un nouveau crash-système se produirait, pour
de nouveau me glisser derrière chez Potter et accéder au siège de la félicité.
Heureusement, ce soir-là Laperle était en jeu, compte tenu de la piètre qualité
de son matériel et de sa connexion chancelante au serveur, je pouvais aisément
présager d’un crash total. J’eus à peine le temps de passer récupérer dans mon
sac quelques affaires de mon casier avant que Laperle ne paralyse une fois de
plus tout le jeu. Arriver jusqu’au local aseptisé où se trouvait le siège fut
un jeu d’enfant. M’y lover fut à nouveau un plaisir exquis que la pudeur
m’interdit d’en décrire les détails ici pour ne pas risquer d’attiser la
malsaine curiosité d’éventuels jeunes lecteurs.