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Mes p'tites souris, mes p’tits lapins,

Je m'appelle Balie. Je suis apparue le 19 aout 2009 dans les entrailles de la Matrice de SHOT ONLINE et de la volonté de mon Ange Gardien, avec pour unique but: prendre du plaisir à jouer au golf avec des partenaires multiples.
Ce joli blog ne se veut qu'un reflet des bons et mauvais moments passés dans le Joli monde de SHOT ONLINE (S.O : SOland), une fenêtre ouverte, aussi, sur les rencontres parfois ennuyeuses, souvent jubilatoires avec les autres jolis êtres issus également du ventre de S.O.
Les premières heures passées avec les Essoliens et Essolliennes (habitants de SOland) ont mis en évidence des similitudes avec votre monde du dehors... Ce joli monde, propre, bien rangé, où tout est beau et harmonieux n'en cache pas moins, derrière ses apparences, des injustices, des inégalités, des travers qui se doivent d'être dénoncés!
Les dénoncer non seulement pour tenter de les combattre de ce coté-ci de l'écran, mais aussi parce qu'obtenir des avancées sur la condition des filles, sur la préservation de l'environnement, le pouvoir d'achat et les conditions de travail à SOland (pour ne citer que ceux-là) aura forcément un impact sur ces mêmes sujets dans votre grand monde du dehors!
Puis, raconter les belles rencontres que je fais chaque jour autour du square, dans le sable ou au bord du green rendra peut être certains d'entre vous finalement un peu plus optimiste sur la nature Essolienne comme sur la nature Humaine. C'est le moins que je puisse souhaiter à mes p'tites souris et mes p'tits lapins...
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dimanche 9 octobre 2011

Chroniques d'Yonsé #4


C'est ta première visite? Va plutôt au début...

http://baliejolicoeur.blogspot.com/2011/06/chroniques-du-square-11-la-genese.html

ou à l'épisode #1 de la saison 2...

http://baliejolicoeur.blogspot.com/2011/09/chroniques-dyonse-1.html


La nuit vint rapidement après que tous aient profité des festivités offertes par le Roi. Lui-même s’était montré bon vivant en absorbant, plus que de raisonnable, un breuvage de couleur rouge qui rendait joviaux et désinhibés ceux qui le buvait. Cette attirance pour ce type de boissons n’était qu’un point commun de plus avec notre Riri des canassons…

Ce fut une journée très instructive pour moi, de voir ainsi les habitants du royaume d’Yonsé. Leur sens de la fête et la solidarité dont ils faisaient preuve les uns envers les autres donnait l’image d’une communauté harmonieuse. Le Roi leur témoigna — dans un ton solennel au début, puis de manière plus spontanée et démonstrative, debout sur une table un godet à la main, titubant et chantant à tue-tête — combien il était fier d’être leur Roi et qu'il les aimait tous. 

René, quant à lui, resta somme toute mesuré, probablement du fait de ma présence, car nombreux étaient ceux qui venaient le taquiner sur le sérieux qu’il était ce jour-là. Je put en profiter pour lui faire part de ma joie d’être à ses côtés et combien je pensais à lui chaque jour. Alors que je lui disais cela, l’absence de Line durant toute cette journée devint flagrante. Un peu gênée de ne pas y avoir pensé avant, je demandai à René où est-ce qu’elle se trouvait. Il m’expliqua qu’elle était très souffrante depuis plusieurs jours au point de devoir rester allongée le plus clair de son temps et que son état de santé expliquait aussi en partie ma présence parmi eux.

-     Tu crois que je peux la soigner ? J'ai aucune connaissance en médecine, moi.

-     Tu n’en auras pas besoin, allons voir le mage maintenant, il va tout nous révéler.

Il fallut traverser tout le village à la nuit tombée, éclairés à l’aide d’une torche ardente que tenait René à bout de bras. Nous sortîmes du village par un sentier étroit qui s’enfonçait dans une forêt dense. Les ombres mouvantes des arbres aux branches tortueuses rajoutèrent de l’anxiété à ma nature déjà inquiète à la nuit tombante. Seule la présence de mon valeureux chevalier me permit d’avancer sans trop de crainte. Au détour du sentier, nous arrivâmes à la demeure du mage. Sa maison était incrustée à la base d’un gigantesque tronc d’un chêne. La porte et une petite fenêtre ornaient la façade qui s’ajustait à l’orifice que devaient laisser les immenses racines, avant que le creux ne soit aménagé dans cet original habitat. Les fins rideaux laissaient transparaître la lueur chancelante d’une bougie, signe que le mage nous attendait.

Une fois à l’intérieur, le mage me salua simplement et nous invita à nous assoir sur les tabourets disposés autour d’une massive table ronde. L’intérieur de cette étroite demeure était essentiellement voué à la cuisson et la confection de diverses potions. Les parois étaient aménagées en étagères sur lesquelles étaient disposés de nombreux ingrédients, dont certains me glaçaient les os rien qu’à leur vue. Des insectes monstrueux, des serpents, des batraciens, des fœtus d’animaux mal formés, baignaient dans des bocaux en verre poussiéreux à côté de divers ustensiles dont je ne pouvais deviner l’usage.

-     Balie, je tiens à vous remercier d’être venue parmi nous et à votre sens de l’abnégation face au danger auquel vous risquez d’être exposée, dit le mage, alors que mon regard était perdu sur une affiche fixée au mur qui représentait l’écorché d’un animal à deux têtes, sorte de mélange entre le corps d’un primate et des gueules de loup.

-     Danger ? Ah..., quel type de danger ?

-     René va vous expliquer la situation.

-     Euh, oui… À mon retour, la reine, sa fille et la sorcière du lac perché furent répudiés et envoyées aux confins de notre contrée. Cette peine clémente avait été prise pour que les deux autres filles du Roi ne souffrent pas d’une disparition définitive de leur mère et sœur, et qu’elles puissent aller les voir de temps à autre. Elles ne devaient jamais revenir sous peine d’être à jamais éloignées du royaume d’Yonsé. Depuis quelques semaines, de nombreux faits nous indiquent que l’ex-épouse du Roi n’a pas abandonné sa funeste entreprise. Avec la maléfique assistance de la sorcière, elle a extrait Mr Jackson de son monde imaginaire pour qu’il vienne à ses côtés et exploiter ses talents à ses propres fins. Il semble qu’il ait de nouveau perdu la mémoire et qu’il n’ait d’autre obsession que de battre la campagne à la périphérie de notre contrée. Grâce à son art du chant et du spectacle, il met le public sous son charme. Fragilisés, les spectateurs sont alors influencés par la reine qui les incite à la désobéissance et à la révolte pour évincer le Roi du trône à son profit.

-     Pauvre Mr Jackson ! Mais… vous pouvez pas arrêter ça ? Et moi, qu’est-ce que j’y peux ?

-     La force de son talent est immense, ajouta le mage, et ses exhibitions son accomplies dans des bourgs de manière imprévisible. Nous ne pouvons que constater les dégâts le lendemain lorsque les troupes royales tentent d’intervenir en se faisant lapider et invectiver. Comme le Roi ne souhaite pas agir par la force, les troupes ne peuvent que se retirer, laissant d’autant plus les villageois dans l’illusion de leur phantasme et de leur toute-puissance.

-     Dites-lui, mage, ce que vous avez perçu dans la boule des prophéties, demanda René.

Le mage se leva et prit une boite délicatement sculptée dans un bois rare. Il se rassit et la posa devant lui. Il l’ouvrit délicatement comme si ce qu’elle contenait était extrêmement précieux ou fragile. Il en retira un objet enveloppé dans un tissu brodé qu’il reposa sur la table après avoir repoussé le coffret. Je ne pus m’empêcher de lâcher bref éclat de rire lorsque je reconnus la babiole faisant office de boule des prophéties. Il s’agissait bel et bien d’une des boules identiques à celles que j’avais ramenées avec moi quelques mois plus tôt et qui contenait le modèle réduit de la grande montagne de fer dans de l’eau aux petits pétales blancs. Je mis ma main devant la bouche comme pour mieux retenir mon rire, alors qu’une fois de plus René me fit les gros yeux, un instant, avant que lui-même me lâche un sourire ponctué d’un clin d’œil. Le mage était déjà en train de se concentrer sur la boule pour tenter d’y percevoir probablement une scène à venir.

-     Par la volonté du fluctuat nec mergitur je devine la tragédie qui menace le royaume d’Yonsé, déclama le mage. L’homme enfant intronisera l’élue du don extrême de charisme à la prochaine nuit sans lune. Plus rien ni personne ne pourra, après cela, résister à son magnétique pouvoir de séduction. Si ce pouvoir était mis au bénéfice de l’ex-reine, notre royaume n’y résisterait pas.

Puis, se tournant vers moi il prit une voix rauque qui me frigorifia littéralement.    

-     Seule une âme saine dans un corps pur peut être sujette à ce pouvoir, tu dois te substituer à sa fille ainée pour empêcher que le royaume tombe sous son escarcelle.



mardi 4 octobre 2011

Chroniques d'Yonsé #3

C'est ta première visite? Va plutôt au début...

http://baliejolicoeur.blogspot.com/2011/06/chroniques-du-square-11-la-genese.html

ou à l'épisode #1 de la saison 2...

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René me retourna un regard incrédule, toute l’assistance se figea et le Roi lui-même s’immobilisa. Il me fixa un instant, un sourcil relevé trahissait sa surprise. Nos regards se croisèrent et tous ses traits du visage, sa corpulence, sa façon de se tenir debout venaient conforter mon sentiment d’être bien face à notre Henri, sous-maître de la guilde des canassons.

Un bruyant éclat de rire vint rompre ce silence pesant :

-      Ha, ha, ha ! « mon petit poussin » a-t-elle dit ! je reconnais bien là celle que tu m’as décrite, dit-il en se tournant vers René.

Toute l’assistance se mit à rire également, d’abord timidement puis de plus en plus fort en écho avec l’hilarité du Roi. Moi-même je ne pus retenir quelques spasmes de confusion, me rendant à l’évidence que le seigneur d’Yonsé n’était qu’un troublant sosie d’Henridk.

-      Mais qu’est-ce qui t’as donc pris d’interpeller ainsi notre Roi ? s’indigna à demi-voix René, profitant du brouhaha de l’assemblée.

Je répondis d’une mimique désolée en espérant qu’il comprenne que je ne voulais point heurter quiconque.

-      C’est qu’il ressemble comme deux gouttes d’eau à mon ami Riri ! je croyais que c’était lui.

D’un geste de la main, le Roi imposa le silence. Un serviteur, qui se tenait en second plan, s’avança alors et claqua deux fois dans ses mains. La cour qui nous avait escortés jusque-là s’en retourna en quelques instants vers la même porte par laquelle nous étions rentrés. Le Roi nous convia, René et moi, à nous asseoir sur un banc en granit massif à la droite du siège royal. Il s’installa de nouveau sur son trône et quand les lourdes portes résonnèrent puissamment à leur fermeture, nous n’étions plus que nous trois dans cette vaste et majestueuse salle. Le discret serviteur avait repris sa place, immobile dans le recoin sombre d’un pilier.

Avant que le silence complet ne revienne, René eut le temps de me suggérer de ne prendre la parole que lorsque le Roi m’y invitera.

-      Honorable Balie, avant toute chose je dois vous faire part de ma reconnaissance envers vous pour avoir rendu possible le retour de ma fille Line et de mon plus valeureux chevalier que je n’ai jamais eu, dit le Roi en se tournant vers René visiblement gêné de ce compliment.

Puis il poursuivit :

-      Il m’a été très pénible d’imaginer l’enfer qu’ils ont vécu dans cet autre monde sans loi ni honneur. Moi-même j’ai longtemps souffert de ma naïveté de n’avoir point vu quels étaient les desseins tortueux de mon ex-épouse et de sa fille que j’ai toutes deux répudiée. Le retour de Line et René dans le royaume a de nouveau illuminé ma vie et celle de mes sujets. Chacun vit et travaille avec enthousiasme pour que notre communauté se développe et s’épanouisse par-delà les montagnes et les vallées qui nous entourent. Tous ont su comment une courageuse jeune femme est venue en aide à la princesse pour qu’elle retrouve sa liberté et sa dignité. Je vous dois ce que j’ai de plus cher : la vie de ma fille.

Un bruyant claquement de porte vint rompre le silence solennel qui suivit cette dernière phrase. Un autre serviteur s’avança vers le Roi et lui chuchota quelques mots inaudibles à son oreille.

-      Déjà ? s’exclama le Roi agréablement surpris, euh…bien, venez avec moi vous deux, nous allons faire quelque chose qui me tient à cœur.

D’un pas rapide, nous suivîmes le Roi et son serviteur. Nous passâmes par des portes dérobées, suivîmes des couloirs étroits sur de longues distances, descendîmes des escaliers escarpés pour finalement aboutir dans la cour fortifiée où nous attendait le carrosse royal attelé à quatre magnifiques pur-sang. À peine assis, l’attelage s’ébranla, passa le pont-levis et traversa le village à une vitesse à peine imaginable dans de telles ruelles étroites. Quelques instants plus tard, nous arrivâmes en périphérie du village où attendait un public dense venu, selon toute vraisemblance, à une sorte d’inauguration d’un équipement destiné à la population.

-      C’est fabuleux ! s’exclama le Roi à peine descendu de son carrosse, encore mieux que sur les plans !

En descendant à mon tour je découvris une grande plate-bande d’herbe rase semblable à de la pelouse. Des gradins étaient disposés de part et d’autre. Ils pouvaient accueillir quelques milliers de spectateurs. Le terrain était délimité à ses deux extrémités par deux longs poteaux verticaux reliés entre eux par une barre horizontale.

-      Oh ! mais c’est un terrain de rugby, m’exclamais-je en découvrant l’installation.

-      Un stade de Soule d’Yonsé ! rectifia le Roi, c’est moi qui ai adapté les règles de la traditionnelle Soule pour la rendre plus spectaculaire et jouable par tous mes sujets. J’ai aussi instauré un jour sans travail pour que chacun puisse s’entrainer et participer au championnat du royaume.

« Et en plus il est amateur de rugby comme Riri », pensai-je ; cela fait beaucoup de coïncidences…

Le Roi monta sur la tribune d’honneur où il nous convia René et moi. Il fit un discours passionné sur les valeurs de la pratique de cette discipline, sur la solidarité, l’honneur, les vertus de l’effort et de l’esprit d’équipe qui devaient être, selon lui, les mêmes valeurs qu’il voulait voir appliquer dans son royaume entre tous ses sujets, tous les jours de l’année. Il ajouta qu’adopter tous ces principes restait une chose fragile face à la menace à laquelle ils devaient faire face aujourd’hui. Puis il conclut en évoquant ma présence :

-      Depuis ce matin mademoiselle Balie est parmi nous, vous savez tous ce que nous lui devons et je vous demande de faire honneur à sa présence. Elle représente aujourd’hui notre ultime espoir pour contrer les diaboliques stratégies de qui vous savez. C’est pourquoi ce stade portera son nom pour que chacun se souvienne de ce qu’elle a fait et va faire pour notre royaume. Longue vie à Balie !

-      Vive Balie ! scanda à mainte reprise le public en criant et sifflant.

L’émotion me monta à la gorge, mon duvet se hérissa sur ma peau et m’attendant si peu à tout ça, je ne pus que faire un timide geste de salutation au public qui était venu à la cérémonie. La matinée s’acheva par un banquet opulent pour les convives, moi, je me suffis d’un des flacons de Nepenthe que j’avais emmené dans mon sac. Quand l’effervescence retomba un peu plus tard dans l’après-midi, j’interrogeai René :

-      Et comment je vais pouvoir t’aider ici ? Je connais rien à ce monde !

-      Je n’en sais pas plus que toi. Seul le mage du Roi te dira ce que tu devras faire. Nous irons le voir à la nuit tombée.



samedi 1 octobre 2011

Chroniques d'Yonsé #2

C'est ta première visite? Va plutôt au début...

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ou à l'épisode #1 de la saison 2...

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-     Balie ?… tu m’entends ?… Réveille-toi…

-     Hein ?... Je suis où ?... Qu'est-ce qui…

-     C’est moi, c’est René, tu peux te lever maintenant.

-     René ? Oui, ça y est ! ça a marché ?… ouiiii !

Je ne pus réprimer mon élan de me jeter dans ses bras alors que je n’étais encore qu’assise et lui accroupis à mes côtés. Il chancela de sorte qu’il dut se rattraper en posant un genou à terre et se retenir d’une main sur le muret. La douleur au crâne et le brouillard dans mon esprit se dissipèrent aussitôt par l’effet de la joie de revoir mon ami René. Je retrouvais son odeur et la sensation de son solide torse, aussi intactes que la nuit où nous nous étions séparés. Je restais ainsi quelques instants les yeux fermés pour profiter au mieux de cet instant inespéré. Après quoi, je découvris que nous étions au pied d’un puits de grande envergure qui ornait la place d’un village. Le sol en terre battue et les maisons alentours en toit de chaume et aux murs d’argile venaient confirmer, s’il en était besoin, que j’étais bien parvenue jusqu’à l’époque moyenâgeuse du Royaume d’Yonsé.

Un comité d’accueil avait été convié pour m’accueillir. Je devinais aux habits que portaient la dizaine de personnes présentes qu’elles avaient fait un effort particulier pour bien présenter. Des habitants curieux, dans leurs vêtements de tous les jours, venaient grossir l’attroupement provoqué par mon arrivée. Bien que j’ai pris soin cette fois-ci d’avoir une tenue adaptée à divers types de climats et d’activités, je ne pouvais que surprendre avec mon ensemble « old british school » composé d’un pantalon, d’un veston sur un chemisier blanc et d’une casquette, le tout dans un tissu à carreaux dans les tons bruns. Des chaussures montantes à hauteur de chevilles devaient me permettre de marcher sur tout type de sol quel que soit le temps.

J’entendais, sans savoir de qui cela provenait vraiment, des chuchotis dans le public :

-     Qu’est-ce qui s’est passé ?

-     C’est elle, tu crois ?

-     Elle vient juste d’arriver, elle est apparue d'on ne sait où…

René se releva promptement et demanda à la petite foule qui s’était maintenant formée de reculer et que chacun retourne à ses occupations. Cela n’eut pas beaucoup d’effet.

Je glissais le talisman, que je n’avais pas quitté des mains, dans mon sac en bandoulière et prit la main que me tendait René pour que je me relève. Nous quittâmes la place escortés par les membres du comité d’accueil. La température était clémente et le ciel d’un bleu pur laissait éclater un soleil encore tiède. J’en déduis qu’il était le milieu de la matinée et le chant des oiseaux me fit penser à ceux de nos plus verdoyants parcours. Je réalisais encore avec peine ce qui venait de se produire : comment expliquer que je puisse me retrouver à une lointaine époque dans une étrange contrée alors que quelques instants auparavant ma vie se résumait à lancer inexorablement des balles vers un trou invisible ?

René m’expliqua que nous allions rencontrer le Roi Henri d’Yonsé qui tenait à ce que je lui sois présentée dès mon arrivée. La traversée du village me permit d’observer l’activité grouillante de ses rues et ruelles où chacun semblait avoir un rôle bien précis. De nombreux habitants proposaient des aliments ou des biens à la vente, d’autres transportaient, à l’aide de chevaux et de charrettes, des matériaux divers. Les enfants quant à eux faisaient ce que bon leur semblaient et venaient vers moi pour me regarder de près, tentaient de me toucher,  me demandaient qui j’étais, comment je m’appelais…

Nous arrivâmes vers la bâtisse principale au milieu du village. C’était une forteresse telle que me l’avait décrite René quelques mois plus tôt. Construite sur une bute, elle dominait la vaste plaine qui s’étendait bien au-delà du village. Une herse et un pont-levis étaient le seul accès et la seule issue à la demeure du Roi et des membres de la cour. Une vaste place centrale permettait d’y recevoir les habitants du village et de la proche contrée lors d’éventuelles attaques d’ennemis.

Les hautes murailles crénelées semblaient inviolables et devaient en dissuader bon nombre avant qu’ils ne se risquent à devenir la cible d’archers disposés à chacune des nombreuses meurtrières.

Nous empruntâmes les marches de la tour principale afin d’accéder aux appartements privés du Roi.

Devant une grande porte en bois finement sculpté, deux gardes en uniforme d’apparat se tenaient de part et d’autre. Chacun d’eux tenait une lance de telle sorte qu’elles se croisaient, laissant aisément deviner qu’il n’était pas permis d’accéder à la pièce suivante. Nous patientâmes un instant, René et moi au premier rang. Les membres de la cour qui nous avaient accompagnés jusqu'ici se mirent eux aussi en rang derrière nous dans un ordonnancement qui semblait répondre à des critères bien précis qui m’étaient difficile de deviner.

-     Le Roi va nous recevoir, ne soit pas inquiète, il tient au protocole, mais il est juste et sait écouter, me chuchota René.

-     J’suis pas inquiète, j’ai l’habitude de discuter régulièrement avec mon maitre de guilde, il sait être cool aussi Kiki.

Un bruit de verrou se fit entendre et les battants de la porte s’ouvrirent très lentement du fait de l’inertie de leur poids. Sans sourciller, les gardes écartèrent leur lance, signe que la voie était dégagée. René me prit sous son bras et nous avançâmes d’un pas lent et solennel. La vaste pièce était ornée d’immenses tableaux représentant des scènes de batailles dans lesquelles les généraux étaient mis en valeur. Un imposant vitrail par lequel pénétrait le soleil surplombait l’estrade du fond sur laquelle était disposé le trône que je devinais à peine du fait du contre-jour aveuglant. Lorsque nous arrivâmes à une certaine distance du trône, René nous stoppa net, mit un genou à terre et fixa son regard au sol. De son bras encore sous le mien il me tira vers le bas en me faisant comprendre d’agir comme lui. Avec un temps de retard je mis aussi genou à terre et baissait la tête, mais je ne pus m’empêcher de regarder en direction du trône. Tous les membres de la procession s’étaient eux aussi prosternés quand le Roi se décidât à se lever en signe de bon accueil. N’étant plus à contre-jour, je pus ainsi découvrir en détail son visage qui m’était en fait bien familier.

-     Riri !? Mais qu’est-ce que tu fais là mon ptit poussin ? m’écriais-je dans cette vaste pièce aux mille échos.

-     C’est Henri ! dis-je, en me retournant vers René.


mardi 27 septembre 2011

Chroniques d'Yonsé #1


Ce récit est la suite des Chroniques du Square. Si tu arrives ici pour la première fois, commences plutôt par ici:

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Cela fait plusieurs mois maintenant que j’ai quitté René au pied de la grande montagne fer. Je ressens toujours cette boule dans ma poitrine quand je repense à lui et à toutes ces mésaventures qui nous sont arrivées. Souvent, je m’assois sur un banc dans un coin du square où personne ne passe et je contemple le talisman qu’il m’avait offert. Plus d’une fois des gouttes ont roulé sur ma joue. Étrange cette sensation humide qui trouble la vue, rougit les yeux et me serre la gorge. Je m’empresse à chaque fois de les essuyer avant qu’un joueur du square ne les voie. C’est que les personnages de ce côté-ci du monde ne pleurent jamais. Ils rient, ils ragent, ils râlent, mais ne connaissent ni la tristesse, ni la souffrance, ni la peine. C’est une faculté que j’ai gardé du monde du dehors et je ne saurai dire vraiment si c’est une bonne ou une mauvaise chose. Quand ce sentiment vous prend, tout le reste passe au second plan. Le présent se mêle au passé et la confusion vous immerge. Paralysée dans le néant, je ne peux que subir cet état, me laissant porter dans cet océan doux-amer. La douleur de me sentir à tout jamais loin d’un être cher vient alors en écho au plaisir de l’illusion d’être à ses côtés par la pensée. Une fois passés ces moments de nostalgie mélancolique et que la routine reprend ses droits, on n’est plus tout à fait la même, quelque chose semble s’être affirmé en vous. Comme si la douleur du début, en roulant le long de la joue, venait s’y déposer en part infime, la rendant ainsi à chaque fois un peu moins intense et plus familière.



Les jours se suivaient et se ressemblaient. L’excitation des tournois-guilde et les parties avec mes amis les plus fidèles ne soulageaient qu’un temps ce pénible sentiment qui vous dépeuple tout un square par le simple fait qu’un seul être vous manque.

L’autre soir, alors que je venais enfin de réaliser mon premier HIO, j’étais excitée comme jamais. Depuis des mois j’attendais ça, croyant que cet instant n’arriverait jamais. J’eus à ce même instant le souvenir de ce qui était advenu au musée de cire quelques mois plus tôt et, naturellement, me revint à l’esprit Mr Jackson, Line et René à qui je dédiais en silence cet exploit. Un moment après, une fois l’effervescence retombée et que j’étais sur le point de me retirer du square, je reçu un courrier bien curieux. Je dus le relire à plusieurs reprises pour bien comprendre de quoi il s’agissait, de vérifier que ce n’était pas l’objet d’un canular ou d’une blague d’un canasson taquin. Tout semblait indiquer que ce message était bien authentique même si je ne savais pas comment il avait pu parvenir jusque dans ma messagerie. Qu’auriez-vous pensé si, à ma place, vous aviez reçu le billet suivant :



Ma très chère Balie,

Depuis que nous ne nous sommes point vus, mes pensées vont souvent vers toi. J’espère imaginer que tout va pour le mieux pour toi et tes amis. Pour Line et moi, il n’en est pas de même. Les choses ici ne vont pas comme elles le devraient. J’aurais voulu ne pas devoir te demander quoi que ce soit qui pourrait te porter préjudice, mais je suis maintenant contraint de me rendre à l’évidence que toi seule peut nous venir en aide. Je ne peux t’expliquer ici le détail de mes tourments, mais si tu le veux, tu as la possibilité de venir vers moi grâce au talisman que je t’ai offert. Le mage particulier du Roi m’a assuré que ton passage parmi nous serait sans danger, il te suffit que tu le portes sur toi et que tu y penses très fort lors du voyage.

Je suis à la fois impatient de te revoir et contrarié que ce soit dans un moment difficile pour le royaume. Toutefois, je comprendrai si pour quelque raison que ce soit, tu ne veuilles prendre le risque de quitter ton monde et tes amis, je ne t’en tiendrai pas grief. Sache que tu restes à jamais dans mon cœur et que je te suis pour toujours redevable de l’aide que tu m’as apportée pour retrouver Line.

Affectueusement.

René.

P.-S. : félicitations pour ton trou-en-un ! J’ai ressenti très fort ta joie, comme si j’y étais…



J’ai longtemps douté du sérieux de ce message, car il me semblait impossible que René puisse avoir les moyens nécessaires dans son monde pour envoyer des courriers électroniques. D’un autre côté, fallait-il vraiment que je m’arrête à ce détail, compte tenu de l’invraisemblance de tout ce qui m’était déjà arrivé de l’autre côté de notre univers ? Et puis, René semblait être assisté d’un mage ; ne sont-ils pas les mieux placés pour savoir comment communiquer avec des esprits lointains ? De toute façon, même s’il devait persister une forte probabilité pour que ce message soit un leurre, j’étais prête à traverser de nouveau la métagalaxie s’il le fallait, pour tenter la chance de me retrouver ne serait-ce qu’un instant auprès de René. La difficulté qui demeurait maintenant était de prévoir quand un nouveau crash-système se produirait, pour de nouveau me glisser derrière chez Potter et accéder au siège de la félicité. Heureusement, ce soir-là Laperle était en jeu, compte tenu de la piètre qualité de son matériel et de sa connexion chancelante au serveur, je pouvais aisément présager d’un crash total. J’eus à peine le temps de passer récupérer dans mon sac quelques affaires de mon casier avant que Laperle ne paralyse une fois de plus tout le jeu. Arriver jusqu’au local aseptisé où se trouvait le siège fut un jeu d’enfant. M’y lover fut à nouveau un plaisir exquis que la pudeur m’interdit d’en décrire les détails ici pour ne pas risquer d’attiser la malsaine curiosité d’éventuels jeunes lecteurs.

jeudi 25 août 2011

Les Chroniques en format de poche!

Ça y est ! Les Chroniques du Square sont maintenant disponibles en format livre de poche.
Après quelques petites modifications et corrections par rapport à la première parution sur le blog, vous pouvez lire et relire mes péripéties avec un vrai livre entre les mains !L’édition en ligne de ces aventures est disponible à prix coutant, rien que pour vous, depuis le lien ci-aprés:

Support independent publishing: Buy this book on Lulu.
Vous pouvez aussi les lire en ligne en format PDF avec ce lien:

 
Chroniques du Square - PDF



Un petit commentaire?…
Bonne lecture

jeudi 14 juillet 2011

Chroniques du Square 1.13 et fin.

Si tu arrives ici pour la premiére fois, va plutôt lire d'abord le premier épisode ici:



Ils dormirent de longues heures sur des paillasses confectionnées avec les plus volumineux des déguisements de l'arrière-boutique. J'ai du mal à comprendre l’utilité de rester tout ce temps immobile sans rien faire, d'autant plus que Line et Monsieur Jackson venaient de passer deux années ainsi !

Pour se reposer de la fatigue, m'a-t-on dit. Mais il suffirait alors de s’asseoir quelques minutes sur un banc ou boire une de ces boissons noires à bulles... nos mondes sont vraiment différents !

Je veillai ainsi toute la nuit et une partie du matin, assise au bord de l'estrade de la vitrine en pensant à tout ce qu'il s'était passé.

René dormait paisiblement avec Line à ses côtés qui afficha un sourire durant tout son sommeil. Monsieur Jackson quant à lui, avait une nuit bien agitée, remuant et se retournant sans cesse en grommelant parfois des mots incompréhensibles, ponctués de petits cris qui laissaient deviner de terribles cauchemars. Il avait pris soin, avant de s'endormir, de lire quelques pages d'un album illustré qu'il avait trouvé dans le rayon librairie enfantine de la boutique. Il avait gardé le livre agrippé dans ses mains pendant tout son sommeil sans jamais le lâcher.

Quand tout le monde fut réveillé, René voulut que l'on parle de la soirée à venir et surtout de Monsieur Jackson.

Que devait-il faire puisqu'il ne se souvenait de rien ? Rester avec nous sous la tour pour se défaire d'un sort ? Mais au risque de se retrouver soit au royaume d'Yonsé ou soit au square avec moi ? Ou encore rester tout seul avec très peu de chances de survivre, compte tenu de ce qu'il nous avait laissé voir de ses faibles capacités à se conformer à ce monde.

Pendant que nous parlions de lui, il restait à l'écart comme si ça ne le concernait pas. Il lisait son livre assis dans son coin. René se fâcha presque en lui disant qu'il pourrait au moins s'intéresser à la discussion. Vraisemblablement gêné par le bruit, il se leva et partit dans l'arrière-boutique son livre sous le bras.
  • Ça montre bien ce que je disais : il tiendra pas deux jours tout seul ici, il est pire qu'un enfant. Dis-je alors.
  • Mais si l'on savait pourquoi il est ici on pourrait au moins décider s'il doit venir avec nous ce soir ou pas ! Rajouta Line.
  • Hum!...Je crois que l'esprit de cet homme est très perturbé, mais si la vieille dame nous a dit qu'il fallait l'éveiller, c'est qu'il doit sûrement se défaire d'un sort lui aussi, déclara René. Il faut qu'il vienne sous la tour de métal et l'on verra bien ce qu'il se passera. S'il reste avec Line et moi, je m'engage à ce que les habitants du Royaume d'Yonsé ne lui fassent aucun mal et qu'ils l’accueillent comme un des leurs.
  • Oui, et s'il se retrouve sur le square je ferai tout pour qu'il soit accepté dans ma guilde, ils sont tous cool, ça se passera bien. Et quand on voit comment sont certains de nos membres, il ne dénotera pas du tout. Faudra juste lui apprendre à pas crier tout le temps et à moins gesticuler sur les parcours pour pas déconcentrer les autres joueurs... quoique, pendant les tournois ça pourra peut être servir...

Je finissais juste ma phrase lorsque Monsieur Jackson revint de l'arrière-boutique avec un déguisement qu'il venait d'enfiler. Il portait une sorte de bonnet pointu en feutrine vert pomme avec une plume fixée sur le côté, une tunique de couleur verte aussi, dont le bas était découpé en dents de scie, qui lui tombait à mi-cuisse, un collant opaque dans les mêmes tons recouvrait ses jambes et pour finir il portait des chaussons en cuir aux pieds.

  • C'est moi ! J'ai trouvé qui je suis, c'est moi dans le livre ! Dit-il avec toujours cet accent si particulier.

Il montrait, en même temps qu'il parlait, la couverture de son recueil. Un dessin y représentait un personnage identique à son déguisement.

  • C'est moi ! Je suis Peter Pan ! 

Nous nous regardâmes ébahis René, Line et moi, ne sachant pas s'il fallait accorder du crédit à ce qu'il venait de révéler ou si c'était une nouvelle lubie de son esprit déséquilibré.

  • Je me souviens de tout maintenant que j'ai relu l'histoire du livre ! Je vais vous raconter...

Il nous raconta le soir où il persuada Wendy de le suivre au pays imaginaire avec ses frères. Là-bas, elle devint la maman de tous les garçons perdus qui étaient tombés de leur landau, ils s'étaient fixé la règle de ne jamais grandir ! Ils vécurent tous des aventures extraordinaires avec les Peaux-Rouges, Lily la Tigresse et aussi les pirates et leur chef « Capitaine Crochet ». Il portait un crochet en guise de main, car il lui avait coupé et jeté au crocodile-horloge, depuis, il n'avait de cesse de vouloir le capturer pour le tuer.

Les pirates enlevèrent donc la princesse Tiger Lily pour qu'il soit attiré dans un piège en voulant la délivrer. Il réussit malgré tout à la libérer, mais la fée clochette le trahi, car elle était jalouse de Wendy : elle dit au capitaine Crochet où il s'était caché. Il vint alors, durant son sommeil, empoisonner une potion que lui avait préparée Wendy. Mais prise de remords, la fée clochette but la potion juste avant que lui ne la boive. Mourante, elle fut sauvée par tous les enfants qui croyaient aux fées qui vinrent après qu'il les eut appelés.

Il engagea alors une bataille sur le bateau pirate contre le Capitaine Crochet qu'il vainquit en le jetant dans la gueule du crocodile-horloge qui le dévora. À l'aide du bateau, il ramena Wendy à ses parents ainsi que ses frères et tous les enfants perdus qu'ils adoptèrent. Avant de repartir, il fit la promesse à Wendy de revenir tous les ans pour la ramener au pays imaginaire.

Mais il avait oublié cette promesse, et depuis, il avait erré dans ce monde sans jamais se rappeler ce qu'il avait promis et à qui. Il subissait, depuis, la malédiction de devoir vivre dans le monde réel des grands, lui qui s'était juré de ne jamais grandir et toujours rester au pays imaginaire. Maintenant qu'il se souvenait, il pouvait se défaire de ce sortilège et retourner voir Wendy pour honorer sa promesse et l'emmener à nouveau dans son pays imaginaire.

  • Il faut que je vienne avec vous sous la montagne de fer et comme ça, je pourrai repartir à Neverland ! Conclut-il.

*

*        *

La nuit était tombée depuis longtemps quand nous sortîmes pour nous rendre vers la place du Trocadéro. Line avait laissé sa robe scintillante pour une tenue digne d'une princesse d'Yonsé. Quant à moi, je remis ma tenue du square afin de passer un peu plus inaperçue et m'éviter des situations comme celles de la veille. Une fois dehors, René verrouilla la serrure et glissa la clé sous la porte de service. J'avais eu la présence d'esprit de prendre un peu d'argent dans la caisse afin de ramener quelques souvenirs pour mes amis de la guilde et quelques flacons de cette boisson miracle. Monsieur Jackson avait toujours son livre sous le bras. Line, elle, emporta deux déguisements identiques à la tenue que portait Monsieur Jackson dans le Palais, mais pour des enfants en bas âge.

  • Ça pourra toujours servir si je mets des jumeaux au monde, dit-elle, et puis ça nous rappellera le jour de nos retrouvailles avec René.
Nous voilà ainsi partis tous les quatre, l'ambiance dans la rue était électrique, les avenues brillaient de mille éclats par des guirlandes toutes plus belles les unes que les autres. La température était clémente ce soir-là et beaucoup de monde allait voir le spectacle pour fêter le passage à la nouvelle année.

Je trouvais étrange que l'on puisse fêter le changement d'une unité d'année ; après tout, ce n'est qu'un jour de plus dans un calendrier. Qu'y a-t-il de nouveau d'un jour sur l'autre ? Le square est toujours le même depuis des mois, le trou 15 de Rufus sera toujours identique du premier au dernier jour de l'année... il y aurait tellement d'autres choses à fêter. Ce monde restera longtemps un mystère pour moi.

À l'approche de la grande place, il y avait des marchands qui avaient disposé des étals où l'on pouvait se procurer de la nourriture et des flacons de boisson magique. C'est là aussi où j'ai trouvé ces drôles de boules pleines d'eau dans laquelle était représentée la grande montagne métallique en modèle réduit, évidemment. Lorsqu'on la retourne, on se croirait sur Sosori quand les cerisiers en fleurs perdent leurs pétales dans la brise. J'ai toujours aimé le romantisme de ce parcours où je vais parfois quand mon moral est au fond du bunker.

Ma réserve de boissons faite et mes précieux cadeaux dans un sac, nous repartîmes en suivant la foule.

Les gens étaient pour la plupart déguisés, ils venaient en famille ou entre amis pour s'installer sur les longs fairways en contre bas de la grande montagne de fer. Nous croisâmes quelques jeunes femmes en tenue d'infirmière, ce déguisement avait eu beaucoup de succès.

La foule se faisait plus dense, nous nous glissâmes jusqu'au pied de la grande tour qui scintillait frénétiquement. Nous patientâmes au centre de l'immense voûte que forment les quatre majestueux piliers qui la soutiennent.

Pendant que Line était occupée à écouter Monsieur Jackson qui lui montrait avec exaltation les images de son livre en lui présentant les différents personnages qui y figuraient, j'en profitais pour discuter un peu avec René. Les premières fusées commençaient à illuminer le ciel.

  • Vous devez être impatient maintenant de vous retrouver chez vous après deux ans d’absence, dis-je comme futilité pour lancer la discussion.
  • Oui, et je vous dois beaucoup pour être arrivée à exorciser cette malédiction.
  • Moi ? Mais j'ai rien fait ! C'est vous qui m'avez sorti à chaque fois du pétrin.
  • Il a suffi que vous arriviez pour que tous mes problèmes se résolvent. Depuis que je me suis réveillé dans ce monde je tournais en rond et je m'étais résigné à rester ici pour l'éternité, j'avais perdu l'espoir de retrouver Line. Dès que je vous ai rencontré, vous m'avez ouvert la voie. En deux jours, vous avez plus fait que moi en deux années !
  • Je me demande encore si j'ai bien fait de suivre ma curiosité et de m'être retrouvée ici. C'est vrai que je ne vous aurai jamais rencontré sans ça, mais après avoir partagé toutes ces péripéties je vais trouver mon monde bien vide et ennuyeux sans vous à mes côtés.
  • Le Royaume d'Yonsé aurait beaucoup à gagner s'il vous comptait parmi ses habitants. Vous mériteriez une place d'honneur à la cour du Roi ce qui me permettrait, par la même occasion, de garder un œil sur vous pour vous sortir des situations dans lesquelles vous avez l'habitude de vous retrouver.
Pendant qu'il disait cela, il enleva sa cagoule et détacha le médaillon d'émeraude qui ornait son front.
  • Tenez ! C'est pour vous, dit-il en me le tendant. Mes aïeux se sont transmis ce talisman et l'ont porté depuis des générations, vous en aurez plus besoin que moi maintenant, ça vous protégera des mauvaises âmes.

Émue, je ne pus répondre qu'un balbutiant « merci ». Des bouquets multicolores ornaient le firmament.
  • Mais..., et moi ? Je n'ai rien à vous donner !
  • C'est inutile, vous m'avez donné bien plus que vous ne pouvez l'imaginer.
Il approcha sa main vigoureuse de ma joue, qu'il effleura, pour passer une boucle rebelle derrière mon oreille.

Il glissa lentement ses doigts dans mes cheveux vers le haut de mon crâne d'où il tira sèchement sur une fine mèche pour la détacher. Je ne perçus qu'un léger pincement sur mon cuir chevelu. Il l'enroula délicatement autour de son index, puis il dévissa une sorte de bouchon métallique au bout du manche de son épée et l'y glissa dans la cavité avant de l'y enfermer.
  • Pour que je ne sois pas seul, que tu sois là avec moi.
Il faisait jour en pleine nuit et une nuée de personnages en tout genre gravitaient autour de nous comme s'ils évoluaient au ralenti. C'était la première fois qu'il utilisa le « tu » pour me parler et tout devint irréel. Des super héros côtoyaient des princesses, une petite souris à grandes oreilles était au bras d'un gros Gaulois à moustache, des animaux féroces s'enlaçaient avec des Rocks Stars, des tenues de policiers étaient plus vraies que les originales... en fait, c'était de vrais policiers ! Les mêmes qu'il a deux jours, les mêmes que ceux de la veille. Le cauchemar reprit.

Quand l'un d'eux croisa mon regard, il fit signe à son coéquipier qui sortit une photo de sa veste d'uniforme, ils acquiescèrent. Le plus âgé parla dans une sorte de gros téléphone, visiblement pour appeler des renforts. Ils avancèrent dans notre direction, une main sur leur arme fixée à la ceinture. Une fois de plus, mon cœur sortit de ma poitrine, ma gorge se paralysa, je vacillais sur mes jambes. Je me blottis alors dans les bras de René qui n'avait rien perçu de ce qui allait se passer, il m'enlaça de ses bras où je voulus disparaître. Je craignais qu'il ne veuille à nouveau sortir son épée en voulant me protéger et que cela ne s’achève par un drame. Je serrais son talisman dans ma main aussi fort que la douleur me le permit. Le ciel s’enflamma dans un fracas indicible. À la torture de mes tympans s'ajouta une brûlure dans les yeux : l'air devint d'une blancheur opaque si intense que tout ce qui était autour disparut comme absorbé dans ce voile immaculé. Même les yeux fermés je ne voyais que du blanc.

Le vacarme cessa si subitement que je continuais à percevoir en écho les déflagrations qui persistaient dans ma tête. J'avais le sentiment d'avoir été rouée de coups de la tête aux pieds. L'intensité lumineuse baissa sensiblement, à tel point que je me risquais finalement à rouvrir les yeux.

Il me fallut quelques instants pour réaliser que j'étais allongée sur le fauteuil flottant où tout avait commencé. J'éprouvais un sentiment tellement extra-ordinaire que je ne sus qu'elle était la part de réalité de ce que je venais de vivre. Avais-je rêvé ? Étais-je sous l'emprise de substances en cours d'expérimentation ? Ou alors, aussi improbable que cela puisse être, je venais bel et bien de revenir de l'autre côté du monde avec des souvenirs authentiques. Je ressentis une douleur dans ma main, j'y découvris le talisman que René venait de me confier. L'émotion me submergea d'un immense plaisir de l'aventure que je venais de vivre, mêlée avec la lancinante souffrance d'être séparée d'un exceptionnel ami que je ne n'allais plus revoir.

Je crois me souvenir d'être restée là un long moment, comme pour amasser le plus de souvenirs qu'il me soient possible de ces derniers instants passés avec René, avant qu'ils ne se dissipent et que les sensations s'estompent.

Quand je revins sur le square par la porte de derrière Potter, rien ne semblait avoir changé, je saluais les amis présents et les membres de la guilde tous très occupés comme d'habitude, le temps était au beau fixe comme toujours, et pourtant tout y était différent.

Il me fallut un long moment toute seule dans mon box pour enfin pouvoir tolérer à nouveau le brouhaha des discussions à tous crins des Canassons, mais je restais comme absente, indifférente à ce qui pouvait se dire. À qui aurai-je pu confier le détail de ces aventures sans que je ne sois prise pour une affabulatrice ? Qui aurait bien pu m'apaiser de l'ivresse du vide causé par l'absence de René ? En avais-je seulement l'envie ? Comme si je craignais qu'en partageant ma douleur pour la soulager, je pouvais aussi annihiler la réalité de ce qui nous avait rapprochés avec mon bon chevalier. Non, tout cela devait rester secret.

Deux jours ont suffi pour me changer, beaucoup plus seront nécessaires pour que je l'admette. Alors, si dans les semaines qui viennent, vous me surprenez plutôt distante, silencieuse ou lunatique un médaillon à la main, ne m’en veuillez pas trop, vous n'y êtes pour rien : c'est Monsieur Jackson, Line et surtout René qui sont revenus hanter mon esprit.

Mais ne le répétez à personne, ça reste entre nous !

lundi 11 juillet 2011

Chroniques du Square 1.12

Si tu arrives ici pour la premiére fois, va plutôt lire d'abord le premier épisode ici:



Quand le silence revint, on entendit du bruit venant de la première salle, qui s'éclaira quelques instants après. Des voix parvenaient jusqu’à nous, elles approchaient.

  • Reprenez vos positions sans bouger, ne nous faisons pas remarquer ! Ordonna René.

Tous les personnages se figèrent instantanément, Line et Monsieur Jackson s’exécutèrent, René ôta rapidement la statue de son double pour la dissimuler derrière un rideau mural et prît sa place sur l'estrade, la main sur le manche de son épée, prêt à dégainer. Quant à moi, je m'installai sur un promontoire inoccupé à côté de l'amnésique et face à mon chevalier enchanteur, mes mains sur la tête comme si je réajustais ma coiffe.

Deux silhouettes en uniforme passèrent le seuil de notre salle qu'ils éclairèrent. Je les reconnus immédiatement. Les deux agents de police étaient ceux qui m'avaient réveillé la veille au pied de l’Obélisque. Je priai pour qu'ils ne me reconnaissent pas.

  • Tout à l'air calme ici aussi, dit l'un.
  • Oui, on aurait du mal à imaginer que tout ce monde se mette à danser dans le noir quand il n'y a plus personne, t'imagines ?
  • T'es déjà venu ici ?
  • Quand j'étais gamin, ouais, avec mes parents. Tiens, y avait déjà Claude François à l'époque. Qu'est-ce qu'il est petit ! Je le voyais vachement plus grand dans mes souvenirs ! Tiens, fais-moi une photo avec lui, je la montrerai à ma femme demain, on rigolera.

Son compagnon lui prit son téléphone, pour le prendre en photo avec, alors qu'il marquait une pause ridicule à côté du détenu : les yeux écarquillés avec un grand sourire béat, il déhanchait son corps, un doigt levé au plafond et l'autre main simulant une tape sur sa fesse.

  • Voilà ! T'es parfait. Lui dit-il en rendant le combiné avec son image figée qu'il apprécia un moment.
  • Regarde, là ! Céline avec son Reeeeenééé... ils l'ont drôlement habillé, déjà qu'en vrai il est vieux et pas beau... commenta le plus gros.

Ils éclatèrent de rire.

  • Oh, ya aussi Mickaël ! La classe ! Quand j'étais au collège j'étais le roi du moonwalk, dis le plus jeune, regarde, j'ai encore des restes.

Il se mit à faire une sorte de pas chassé en reculant sans décoller les semelles de ses chaussures du sol en même temps qu'il ondulait ses bras de part et d'autre, comme pour imiter une vague, mais ses chaussures glissaient mal sur ce revêtement de sol et ça faisait des crissements désagréables pour son collègue qui grimaçait.

  • Aïe, arrête s'il te plaît, c'est insupportable.
  • Bon, là ça marche pas mais sinon j'y arrive bien.

Il se tourna alors vers moi ; mon cœur explosa dans ma poitrine.

  • Et qui c'est celle-là ? Ya rien écrit. Mais..., attends..., tu trouves pas qu'elle ressemble à Clara Morgane ?
  • Qui ça ? Répondit son compagnon en s'approchant lui aussi.
  • Oh, l'autre ! Il fait genre « je sais pas c'est qui Clara Morgane... », je suis sûr que tu as tous ses DVD chez toi.
  • On n'est pas tous accros au porno comme toi.
  • Ah, tu vois ! Tu t'es grillé ! Tu savais que c'est une actrice de X.

Et il monta sur mon estrade pour se glisser derrière moi. J'étais au bord de la panique. Il posa ses mains sur mes hanches et, en les remontant lentement, il dit à son copain :

  • Eh ! T'aimerais pas en avoir une comme ça dans ton lit, hein ?

Je vis René qui eut un geste à peine perceptible pour sortir son épée de son étui. Je le fixai dans les yeux et d'un léger froncement de sourcils, je lui fis comprendre de ne rien tenter.

  • Pfff ! Tu saurais pas quoi en faire d'une bombe pareille ! J'suis sûr qu’Élodie serait d'accord avec moi en plus. Aller, sors de là on va se faire repérer par les caméras de surveillance.
  • Comment çà, « Élodie serait d'accord avec toi ? », qu'est-ce que tu veux dire par là ? Rétorqua contrarié le jeune policier qui, du coup, retira ses mains de ma poitrine pour s'en retourner dans l'allée centrale.
  • Non, c'est rien... on s'en va maintenant, ya rien ici. Contacte la sécurité du musée pour qu'ils envoient du monde pour réparer les digicodes vandalisés. Dit-il en retournant vers l'entrée.
  • Non c'est pas rien ! Elle t'a dit quelque chose ma femme sur moi ? Dis ! Si t'es un pote tu dois me dire !... Qu'est-ce qu’elle t'a dit ?

La lumière s'éteint, et leurs voix devinrent inaudibles quand ils sortirent vers le hall d'entrée. Le silence revint.

  • D'autres gardes vont venir, il faut que nous partions. Dit René.

Nous nous dirigeâmes aussi vers l'entrée, il jeta un regard en entrouvrant la porte qui donnait sur la rue.

  • Ils sont juste là devant, il faut que l'on trouve une autre issue.

Nous repartîmes vers l'intérieur pour trouver une porte de service moins exposée à la vue. Avant de passer sous le second porche, je levai la tête sur la fresque murale. René s’aperçut de mon étonnement et en la découvrant il se dit :

  • Mais..., qu'est-ce que ça signifie ?
  • Je crois que le sort est en train de se défaire, répondis-je.

En effet, de tous les personnages qui étaient représentés quelques minutes plus tôt, il ne restait plus que le Roi d'encore visible, et sa deuxième épouse à peine reconnaissable.

  • Mais c'est papa ! S'écria Line. Que fait-il là avec son ignoble femme ?
  • Allez, partons, on vous expliquera plus tard, lui dis-je.

Monsieur Jackson resta quelques instants à contempler le tableau, je revins en arrière pour le chercher, il fixait le mur comme hypnotisé, il sursauta à mon appel. Il se reprît et refît une de ses pirouettes pour lesquelles il avait un don certain en ondulant tout son corps pour finir sur une pause avec une main cramponnée sur son entrejambe et l'autre dirigée vers le plafond — décidément ! — le tout en lâchant un percutant :

  • Who's bad ?!

Il me passa devant comme si de rien n'était pour rejoindre Line et René, alors que je restai médusée et perplexe quelques instants, sans comprendre le sens de ce qu'il venait de faire.

Le couloir de service donnait sur une rue adjacente bien plus calme que le grand boulevard. Nous dûmes attendre plusieurs minutes avant qu'un taxi de libre ne passe et que René l'intercepte. Pendant l'attente il eut le temps d'expliquer à Line tout ce qu'il avait entrepris pour la retrouver depuis deux ans, jusqu'à la soirée d'hier avec la vieille dame et ses prophéties. Il lui dit que nous devions maintenant trouver la grande montagne de fer et d'y attendre que le ciel s'embrase pour que la malédiction soit définitivement exorcisée.

Elle, de son côté, lui raconta que la pire épreuve dans sa claustration avait été les incessants visiteurs qu'elle pouvait entendre et sentir quelque peu, et qui, à longueur de journée, criaient le prénom de son sosie, se faisait prendre en photo à ses côtés, fredonnaient des cantilènes insanes, ne pensaient qu'à la toucher en s'extasiant qu'elle paraissait être aussi belle et vraie que la vraie.

  • C'était évident puisque je suis vraie ! S'indigna-t-elle.

Pendant ce temps, je restai aux côtés de Monsieur Jackson qui s'agitait de plus en plus. Il ne se souvenait toujours de rien alors que son corps, lui, semblait avoir des choses à raconter. Je patientai assise sur un banc au bord de la chaussée pendant qu'il exécutait l'ébauche d'une chorégraphie apprise par cœur. Il enchaînait des pas chassés, des glissés, des déboulés, passait de demi-plié à des développés le tout dans des positions très athlétiques d'une grande célérité. Je compris aussi ce que voulut faire un peu plus tôt le policier dans le musée : l'illusion de reculer sans faire le moindre pas et sans soulever les semelles était bluffante quand Monsieur Jackson réalisait sa marche lunaire. Il alternait aussi avec des temps plus calmes et lents où il jouait avec son chapeau, claquait des doigts en battant la cadence et en répétant tout le temps la même ritournelle :

  • Oh Billie Jean, it's not my love ; oh Billie Jean, it's not my love ; oh Billie Jean, it's not my love...

Je pensai qu'il avait dû beaucoup souffrir dans sa vie d'avant, sûrement à cause de ce Billie Jean, et que c'est pour cela que son subconscient préférait tout oublier.



Un taxi s’arrêta enfin, nous nous y engouffrâmes et il démarra aussi sec. René lui tendit une carte de visite de la boutique de location de costumes pour qu'il nous y conduise.

  • Très bien, je connais ce quartier, dit-il, c'est là-bas que vous avez loué vos déguisements j'imagine ? Celui de Mickaël Jackson est très ressemblant, bravo ! Très réussit le maquillage.

Puis il poursuivit :

  • Aaah ! Dommage qu'il soit mort, ma fille l'adorait, elle avait même prévu d'aller le voir à Londres.
  • Qu'est-ce qu'il dit ? Je suis mort ? À Londres ? Questionna Monsieur Jackson depuis la banquette arrière où il se trouvait avec René et Line.

Le chauffeur ne put entendre sa réaction, car je venais d'augmenter le son de l'autoradio.

  • Écoutez ça ! Leur dis-je.
  • ... eh oui, c'est pour ça que demain, dimanche, tout le quartier du Trocadéro sera coupé à la circulation. Les préparatifs pour le grand feu d'artifice de la Saint Sylvestre dureront toute la journée. Nous aurons droit à un grand spectacle pyrotechnique qui devrait embraser tout le ciel au dessus de la Tour Eiffel et qui restera certainement dans la mémoire de tous ceux qui y assisteront. Et après les douze coups de minuit, tous les Parisiens pourront venir faire la fête sur le champ de Mars où se déroulera un grand bal costumé...
  • Le feu du ciel ! M'écriais-je. C'est demain !
  • Mais bien sûr ! La montagne de fer, c'est cette tour immense que l'on voit de partout ! Ça ne peut être qu'elle ! Rajouta René excité comme jamais.

Nuls à part nous ne comprenaient ce dont nous parlions exactement. Nous leur précisâmes simplement que le lendemain soir nous allions tous rentrer chez nous !

  • Je rentre à Londres ? Interrogea Monsieur Jackson.

Sa question nous rendit soudainement silencieux et, sans que nous y prêtions vraiment attention, la radio continuait :

  • ... puis nous avons appris que le président de l'UMP s'est fait sauvagement agresser la nuit dernière en sortant du Fouquet's par une bande de jeunes cagoulés. Après l'avoir dépouillé de son argent et cartes de crédit, ils ont lacéré tous ses vêtements au couteau. Il avait été préalablement appâté à l’intérieur du célèbre restaurant par une jeune femme qui lui avait demandé de la ramener chez elle, a-t-il déclaré. Une fois à l'extérieur, elle l'aurait livré à ses complices qui l'attendaient un peu plus loin. La victime a finalement pu leur échapper grâce à beaucoup de sang-froid et de courage en les semant après une longue course poursuite à pied dans les rues de Paris. Grâce aux images des caméras de surveillance, la photo et un signalement précis de la jeune femme ont été diffusés dans tous les commissariats pour tenter de démanteler cette bande de criminels...
  • Nous y sommes ! Déclara le chauffeur du taxi.

Il nous déposa à quelque pas de l'entrée, René lui laissa tout l'argent qui lui restait même si toutes ces pièces semblaient le contrarier quelque peu. Une fois rentrés par la porte de service, nous nous sentîmes un peu plus en sécurité, René nous précisa alors :

  • Demain c'est dimanche et le magasin sera fermé, nous n'aurons pas à rester debout toute la journée dans la vitrine, on pourra se reposer et se préparer à retourner chez nous.



Depuis que j'étais arrivée dans ce drôle de monde — à peine plus qu'une journée — je n'avais cessé de regretter de m’être installée sur ce fauteuil et de m'être retrouvée loin des miens, j'aurai tout donné pour revenir en arrière et que tout cela ne soit jamais arrivé. Mais quand René eut dit ces quelques mots, je ne pus empêcher cette boule de grossir dans ma poitrine, elle me serra la gorge et fit briller mes yeux. Je voulais, je devais rentrer au square et rependre ma paisible vie. Il le fallait, car si je ne rentrais pas avant la nuit sans lune, tous les habitants du square perdraient leur insouciante existence et seraient contraints à travailler le plus clair de leur temps, au risque de voir leur univers devenir aussi misérable que celui-ci. Telle était la prophétie.

Mais l'idée de ne plus jamais revoir mon galant chevalier m'était douloureuse. Il allait poursuivre sa destinée au bras de sa bien-aimée, retrouver son royaume où il serait couvert de gloire par le Roi et tout son peuple qu'il venait de sauver du déshonneur et de la félonie. Une vie ne lui suffirait pas pour raconter tout ce qu'il a traversé dans cet autre monde, et sa légende traverserait ainsi les siècles, rendant fiers tous ses descendants.

Il m'oubliera certainement très vite une fois parmi les siens.

Peut-être se souviendra-t-il vaguement de temps en temps de cette écervelée, lorsque ma joie d'avoir réalisé un trou-en-un traversera le temps et l'espace, pour venir résonner dans un petit coin de son immense cœur.

Mais chut ! Pensons à autre chose... le jour commence à poindre.