La grande salle était disposée comme une galerie d'exposition. Des petites estrades mettaient en évidence des personnages qui étaient comme enduits de cire, d'où certainement le nom de « musée de cire ». Ils étaient là, figés, sûrement victimes d'une malédiction eux aussi ou bien contraints d'exécuter une décision de justice. Les gens, dans ce monde-ci, étaient cruels : ils faisaient payer les visiteurs qui venaient prendre du plaisir à regarder la souffrance des condamnés pendant qu'ils purgeaient leur peine. Certains devaient être très célèbres, car des panneaux d’information détaillaient qui ils étaient et ce qu'ils avaient fait dans leur vie. L'on pouvait sentir la détresse de toutes ces âmes dans l'incapacité de se mouvoir ou d’exprimer leurs émotions. Ils nous regardaient tous, dans la lumière diffuse des veilleuses de sécurité, comme s'ils nous imploraient de les libérer. Nous avançâmes lentement dans la galerie, découvrant l'un après l'autre les parias de cette civilisation. L'émotion que suscitait un tel spectacle provoqua chez René une bouffée de chaleur. Il se défit de sa cagoule, la fit glisser autour de son cou dévoilant ainsi un crâne chauve qui avait pour effet de renforcer la rondeur de son visage encore jeune.
Nous nous engageâmes dans une autre salle toujours aussi peu éclairée.
- Line ! S’exclama René. Vous êtes là ! Enfin, je vous trouve.
En effet, dans une estrade un peu plus grande que les autres se tenait une jeune femme aux longs cheveux blonds, elle portait une longue robe blanche parsemée de cristaux transparents qui scintillaient dans la pénombre.
René se prosterna à genoux devant elle comme pour implorer son pardon de ne pas l'avoir trouvé plus tôt, puis il se leva pour s'approcher d'elle et lui pendre la main.
J'aperçus alors au second plan un personnage également figé qui ressemblait étrangement à René, mais avec quelques années et quelques kilos de plus.
- Regardez ! Mais c'est vous ! On dirait vous en plus vieux ! Lui dis-je.
- Étrange en effet. Mais qui est-il ? Me répondit-il en s'approchant pour lire la description.
- Il s'appelle René aussi, comme vous ! René d'Angélil ya écrit. Drôle de coïncidence.
- Mais Line, ce n'est pas son nom qui est écrit, regardez, ils l'ont appelé Céline, ...Céline Dion. Lit-il à voix basse comme pour mieux réfléchir, puis il poursuivit :
- Dion Céline... mais oui ! S'exclama-t-il, D'Yonsé Line ! C'est bien elle, c'est sûr maintenant. Mais elle ne bouge pas, elle a cette espèce de cire sur son visage elle aussi. Dit-il en lui effleurant la joue.
- Rappelez-vous, la vieille dame nous a dit que c'était la complainte d'un homme-enfant qui avait le pouvoir de la rendre à la vie, lui dis-je. Regardez ! Ça ne peut être que lui, on dirait qu'il la regarde comme pour veiller sur elle.
René se retourna pour voir le personnage que je lui montrais dans son dos. Sur l'estrade d'en face se tenait un homme de taille moyenne avec de longs cheveux bruns bouclés qui dépassaient de son chapeau pour tomber sur ses épaules. Il avait les yeux noirs et le teint pâle, une petite arête nasale dominait une bouche aux lèvres très fines. Il portait un veston rouge vif agrémenté de lacets dorés comme on en voit sur certains uniformes militaires de parade. Un pantalon noir serré venait souligner, s'il le fallait, sa silhouette gracile.
- Vous voyez son expression enfantine ?
- Oui, vous avez certainement raison. C'est à vous qu'il revient maintenant de l'éveiller de vos doigts.
Je m'approchai prudemment, m'attendant à tout dès l'instant où je lui toucherai la main... Mais rien ne se produisit. Je me tournai alors interrogative vers René.
- Elle a dit que vous deviez penser à quelque chose de pur pour l’éveiller.
- Mais c'est quoi quelque chose de pur ?
- Pensez à ce qui vous importe le plus, aux sentiments que vous éprouvez pour un être cher, à quelque chose de bon..., essayez !
Je fis défiler une multitude de pensées dans mon esprit tout en tenant la main de cette statue de cire. Je pensai à la Guilde, à mon ange gardien, à mes amis du square, aux vannes à 200 NG de Padgreg, aux nouveaux clubs que j'allais m'acheter... rien n'y faisait.
- Écoutez-moi, me dit René, faites le vide dans votre esprit..., ne pensez à rien..., et maintenant posez-vous cette question : qu'est-ce que je désire le plus au monde ? Qu'est-ce qui vous vient à l'esprit ?
- Un trou-en-un !? M'exclamais-je.
Ses doigts froids et inertes se réchauffèrent spontanément. En un instant, tout son bras s'assouplit et le touché artificiel laissa place à une vraie sensation de peau sous mes doigts. Tout son corps s'emplit de vie et son visage devint aussi humain qu'expressif. Il prit alors son chapeau d'une main d'un geste vif pour l’apposer sur sa poitrine et par un jeu de jambes habile il effectua une pirouette sur lui-même tout en poussant un puissant « hi-ha ! ».Il stoppa son mouvement en prenant une pause très déhanchée, avec le bras tendu vers le plafond qu'il pointait du doigt, alors qu'il regardait le sol. Avec René nous regardâmes alternativement le plafond et le sol pour découvrir ce qu'il voulait nous montrer, mais nous ne voyions rien de particulier. Il resta ainsi quelques secondes.
Après avoir jeté un œil sur le panneau informatif, je me risquais à lui parler.
- Monsieur Jackson ? Vous êtes bien Monsieur Jackson, n'est-ce pas ? Vous vous sentez bien ?
- Mais... ? Où je suis ? Qu'est-ce que je fais là ? Vous êtes qui ? Dit-il surpris avec un drôle d'accent, en reprenant lentement une attitude normale.
- Ça serait long à expliquer, mais est-ce que vous connaissez cette personne ? Lui demandais-je en désignant Line.
- Mais, je comprend rien, où on est là ? Je ne me souviens plus de rien, de rien du tout!...
- Vous ne savez pas pourquoi vous êtes là ? C'est embêtant ça, dit René.
- La dernière chose que je me souviens c'est qu'on me faisait une piqûre pour mieux dormir... mais... vous êtes infirmière ! C'est vous qui m'avez piqué pour que je me retrouve ici, c'est ça ?
- Non, non, je ne suis pas infirmière et on ne s'est jamais vu. Essayez de vous calmer et vous allez vous rappeler de qui vous êtes.
René enchaîna :
- Est-ce que vous connaissez une complainte ? Vous récitiez des complaintes avant que vous vous endormiez ? Vous avez le pouvoir de rendre Line, ma bien-aimée, à la vie si vous en dites une.
Suivez la scéne suivante avec le son Direct Live en lançant la vidéo ci-aprés et en poursuivant la lecture ! ...
- Elle est partie il y a deux ans et laissé mon monde si froid. La nuit dernière je pense l'avoir entendue pleurer, me demandant de venir et de la tenir dans mes bras. Un autre jour se termine et je suis encore tout seul...
- Another day has gone, i'm still all alone... se mit à chanter Monsieur Jackson en même temps que les derniers mots de René, et continua :
How could this be Comment cela pourrait être you're not here with me tu n'es pas là avec moi you never said goodbye tu n'as jamais dit au revoir someone tell me why que quelqu'un me dise pourquoi did you have to go tu as du partir and leave my world so cold. et laisser mon monde si froid. Everyday i sit and ask myself Chaque jour je m'assois et je me demande how did love slip away comment l'amour a pu disparaître something whispers in my ear and says quelque chose me murmure à l'oreille et me dit that you are not alone que tu n'es pas seule for i am here with you je suis là avec toi though you're far away bien que tu sois loin i am here to stay je suis là pour y rester, but you are not alone mais tu n'es pas seule for i am here with you je suis là avec toi though we're far apart bien que nous soyons loin you're always in my heart tu es toujours dans mon cœur, but you are not alone. mais tu n'es pas seule. Just the other night La nuit dernière i thought i heard you cry je pense t'avoir entendu pleurer asking me to come me demandant de venir and hold you in my arms et de te tenir dans mes bras i can hear you prayers je peux entendre tes prières your burdens i will bear ton fardeau je le porterai, but first i need you hand then forever can begin mais j'ai d'abord besoin de ta main alors l'éternité peut commencer Everyday i sit and ask myself Chaque jour je m'assois et je me demande how did love slip away comment l'amour a pu disparaître something whispers in my ear and says quelque chose me murmure à l'oreille et me dit that you are not alone que tu n'es pas seule for i am here with you je suis là avec toi though you're far away bien que tu sois loin i am here to stay je suis là pour y rester, but you are not alone mais tu n'es pas seule for i am here with you je suis là avec toi though we're far apart bien que nous soyons loin you're always in my heart tu es toujours dans mon cœur, but you are not alone. mais tu n'es pas seule. |
- Whispers three words and i'll comme runnin' and girl you know that i'll be there, i'll be there. Murmure trois mots et j'accourrai et chérie tu sais que je serai là, je serai là .
Il est difficile de décrire avec des mots la forte sensualité qu'il émanait de l'interprétation de cette complainte par Monsieur Jackson, mais René et moi étions comme hypnotisés par l’émotion qu'il dégageait.
Je ne sais pourquoi, par contre, il chantait comme s'il avait un cornet de glace imaginaire devant sa bouche qu'il n'osait déguster.
Tout son corps vivait cette chanson, des mimiques du visage jusqu'au jeu de jambes très adroit qui lui permettait de virevolter en fonction de la force qu'il voulait mettre dans certains mots ou phrases. Tout en dansant il jouait avec les autres personnages de la galerie comme s'ils étaient un public venu le voir faire son spectacle. Il s'adressait à eux comme s'il leur tenait un dialogue, durant lequel il fermait les yeux pour mieux supporter la souffrance que produisaient les mots qu'il chantait.
Sur cette dernière phrase, René, emporté par l'émotion, s'était approché de Line et lui chuchota « je t'aime » à l'oreille avant de l'embrasser. Comme il l'avait été annoncé, elle revint à la vie. Elle entrouvrit les yeux et pour la première fois depuis deux ans, elle revit son amant. Elle l'enlaça alors de ses bras dans une fougueuse étreinte.
Nous reprîmes le refrain final avec René, Line et moi en guise de choristes, bras dessus bras dessous, nous nous balancions sur le tempo de la mélodie tout en chantant pendant que Monsieur Jackson improvisait des variations d'une pure beauté. Dans le crescendo final, nous étions tous les quatre dans une telle majestueuse empathie harmonique que tous les personnages présents se mirent eux aussi à se balancer, tapper dans leurs mains et chanter, je crois même que certains en avaient des larmes aux yeux.
Rien qu'en y repensant, j'en ai encore des frissons partout dans le corps.
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